Un obus dans le coeur

Il n'y a qu'une peur d'enfant pour terrasser une autre peur d'enfant, il n'y a que le froid mordant le l'hiver pour adoucir la solitude de l'enfance au dedans. 

L'histoire de Wahab est peuplée de fantômes, tristes chimères que ressucite la sonnerie du téléphone au creux de la nuit : "C'est maman, viens vite, c'est maintenant". Un passé au goût de cendres et de sang dont seuls savent parler ceux qui ont connu la guerre. 

Wahab est un homme écorché, dans sa tête trop d'images et trop peu de mots pour les dire : un bus bondé, en feu, au coeur de la ville, la peur dans les yeux de l'enfant prisonnier que l'on regarde, sans rien pouvoir faire, la violence, partout, toujours... l'impossibilité même de se souvenir comment c'était "avant"...

Grégori Baquet, seul en scène, incarne avec justesse la rage d'être là, baloté par la vie et malmené par elle. Entre chien et loup, il nous offre un moment d'intimité où les cris trop longtemps étouffés se murmurent, où l'enfance affleure partout sous les traits de l'homme fatigué de chercher le visage maternel comme l'on cherche parfois des bras pour s'y fondre... Les mots de Wajdi Mouawad, auteur, metteur en scène et comédien canadien d'origine libanaise, racontent avec poésie et sans état d'âme l'itinéraire intérieur de ce promeneur solitaire jusqu'à ce que l'aube le surprenne avec une promesse de bonheur...

Au bout d'1h20 de texte poignant les spectateurs se séparent sans éclat, les yeux rougis, le coeur gros, l'esprit ailleurs... avec quelques notes de musique au fond du coeur après un moment d'intense émotion partagée...

 

Extrait 

"On ne sait jamais comment une histoire commence. Je veux dire que lorsqu'une histoire commence et que cette histoire vous arrive à vous, vous ne savez pas, au moment où elle commence, qu'elle commence. Je veux dire... Je veux dire que vous n'êtes pas là, à marcher tranquillement dans la rue et tout à coup, vous vous dites : tiens, voilà, une histoire qui commence. Je veux dire, on ne le sait pas... puis, lorsque finalement on réalise qu'on est embarqué dans une histoire, on ne sait pas comment tout ça va se terminer. Personne ne peut savoir. C'est seulement à la fin. Lorsque tout est consommé, qu'on ouvre les yeux et qu'on se dit : l'histoire est terminée. Elle est terminée et parce qu'elle est terminée, vous vous mettez à entendre le silence, le grand silence qui a failli vous noyer. C'est comme ça. Alors, pour conjurer le silence, on tente de trouver les mots. Pour raconter. Même si c'est n'importe quoi, mais un mot qu'on trouve au fond de soi, c'est comme une oasis au milieu du désert. On se précipite dessus et on le boit. On boit le mot."

 

Un obus dans le coeur au Théâtre des déchargeurs, Paris 1er

De Wajdi Mouawad

Mis en scène par Catherine Cohen avec Grégoi Baquet. Molière 2014, Révélation Masculine 

Reprise du 3 au 23 juin 2015

Réservation sur http://www.htbillet.com/lesdechargeurs

 

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